Syllabus

Séminaire EHESS 2023-2024

La notion d’idéologie
dans la philosophie politique française
après 1945

Bernard E. Harcourt (Columbia University/EHESS)

et Guillaume Rouleau (EHESS)

Si la notion d’idéologie est apparue en France à la fin du XIXe siècle, pour ne jamais entièrement en disparaître, ce n’est qu’au milieu du XXe siècle qu’elle y réapparaîtra avec insistance, pour être utilisée dans des approches différentes du savoir qui, après la Seconde Guerre mondiale, se reconstituent. Parmi celles-ci, la philosophie, et notamment la philosophie qui s’intéresse à la politique, en fera des usages centraux (à l’instar de partis ou groupes marxistes, mais aussi anti-marxistes). Il s’agira de revenir sur les pourquoi de ces usages, sur leurs comment, mais aussi sur les nouvelles significations qu’ils ont pu apporter à la notion.

Le séminaire consistera en 13 séances de 2 heures se tenant d’octobre 2023 à juin 2024, dont chacune s’attachera à travailler, plus ou moins chronologiquement, plus ou moins géographiquement des critiques de la notion par un.e penseur.e. Guillaume Rouleau, doctorant à l’EHESS, présentera durant une heure trente la ou les critiques de la notion par un.e penseur.e, présentation qui sera suivie d’une discussion d’une trentaine de minutes avec Bernard E. Harcourt (en présence ou à distance, selon les séances), étendue à l’ensemble des participant.e.s de ce séminaire, ni leçon ni cours magistral, mais échange, pour cerner ensemble des utilisations passées de cette notion qui, nous le verrons, restent encore bien présentes.

Validation du séminaire

Vous inscrire en ligne au séminaire est obligatoire pour pouvoir y participer : https://enseignements.ehess.fr/2023-2024/ue/821

Le séminaire peut être validé : 24h = 6 ECTS.

La validation peut se faire par un exposé de 15 minutes (Les séances 10/13 et 11/13 du 27 mai 2024 seront des séances d’exposés) ou un travail écrit de 10 à 15 pages (la date de rendu dépend de votre formation). Le sujet sera à discuter préalablement avec les organisateurs du séminaire.

Il sera demandé pour chaque séance de si ce n’est lire, du moins de parcourir attentivement les lectures (chapitres de livres, articles) de la bibliographie principale, et si possible secondaire, non seulement pour se confronter directement aux textes, mais pour pouvoir aussi intervenir au mieux lors du séminaire. Les textes seront disponibles d’une séance à l’autre via un lien envoyé sur la liste du séminaire.

La présence au séminaire est, sauf exception, obligatoire en présence ; le séminaire ne se tenant pas à distance ; sauf pour Bernard E. Harcourt, parfois retenu à New York. Pour celles et ceux qui ne pourraient pas assister à une ou à plusieurs séances, merci d’en avertir les organisateurs du séminaire le plus tôt possible (au plus tard le matin du jour du séminaire). Un nombre trop important d’absences injustifiées pourra provoquer notre refus que vous validiez le séminaire.

L’ordinateur portable est uniquement autorisé s’il sert le séminaire : prendre et lire des notes, consulter les textes des séances, pour faire des recherches liées au séminaire. Toute utilisation de l’ordinateur qui sortirait du cadre du séminaire est interdite, parce qu’elle peut être très distractive non seulement pour vous-même, mais aussi pour les autres participant.e.s.

Pour toute question, merci de contacter Guillaume Rouleau : guillaume.rouleau@ehess.fr

Lieux, dates et horaires

Campus Condorcet
Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
Salle 3.09
Annuel / mensuel, lundi 16h30-18h30
Du 16 octobre 2023 au 17 juin 2024

Lundi 16 octobre 2023 1/13 Raymond Aron
Lundi 20 novembre 2023 2/13 Hannah Arendt
Lundi 18 décembre 2023 3/13 Louis Althusser
Lundi 15 janvier 2024 (de 16 h 30 à 20 h 30) 4/13 Michel Foucault 5/13 Pierre Macherey
Lundi 4 mars 2024 (de 16 h 30 à 20 h 30) 6/13 Pierre Bourdieu 7/13 Jacques Rancière
Lundi 18 mars 2024 – NOUVELLE DATE : Lundi 11 mars 2024 8/13 Étienne Balibar (en présence de Étienne Balibar)
Lundi 22 avril 2024 9/13 Alain Badiou
Lundi 27 mai 2024 (de 9 h à 13h30), salle 3.10, 10/13 et 11/13 Exposés
Lundi 17 juin 2024 12/13 Karl Mannheim / Paul Ricœur 13/13 Poursuite du débat sur la fin des idéologies

Bibliographie pour anticiper et accompagner le séminaire

Ludwig Feuerbach, L’Essence du christianisme, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1992 (première publication allemande : 1841 ; première publication française : 1864).

Max Stirner, « L’Unique et sa propriété », in L’Unique et sa propriété et autres écrits, Lausanne, Éditions l’Âge d’Homme, 1972 (première publication allemande : 1844).

Karl Marx, 1845 : les « thèses » sur Feuerbach, traduction et commentaire de Pierre Macherey, Paris, Éditions Amsterdam, 2008 (rédigées en 1845 ; non publiées du vivant de Marx).

-, La Sainte Famille ou Critique de la critique critique. Contre Bruno Bauer et consorts, Paris, Éditions sociales, 2019 (première publication allemande : 1845).

Friedrich Engels et Karl Marx, L’Idéologie allemande. Critique de la philosophie allemande la plus récente dans la personne de ses représentants Feuerbach, B. Bauer et Stirner, et du socialisme allemand dans celle de ses différents prophètes, Paris, Éditions sociales, 2012 (surtout la première partie consacrée à Feuerbach ; rédigée en 1845-46 ; non-publiée du vivant des auteurs ; première publication allemande : 1932).

Friedrich Engels, Karl Marx et Josef Vandemeyer (ce dernier étant uniquement crédité dans cette nouvelle édition), L’Idéologie allemande : premier et deuxième chapitres : édition bilingue, Paris, Éditions sociales, 2014 (traduction moins accessible que la précédente, mais plus précise).

Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique. Précédée de l’Introduction de 1857, Paris, Éditions sociales, 2014 (première publication allemande : 1859).

-, « Le caractère fétiche de la marchandise et son secret », in Le Capital (il s’agit de la conclusion du premier chapitre ; première publication allemande du premier livre du Capital : 1867).

Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Paris, Éditions sociales, 1980 (première publication allemande : 1890).

Détail des séances

1/13 Raymond Aron

Cette séance introductive sera consacrée à Raymond Aron, qui utilisera la notion d’idéologie contre le marxisme et le communisme avec une insistance toute particulière à partir des années 1950 : ce qu’illustrera le débat sur une fin de l’idéologie / des idéologies engagé par celui-ci en 1955 avec le dernier chapitre de L’Opium des intellectuels, « Fin de l’âge idéologique ? », poursuivi par lui en 1966 dans le dernier chapitre de Trois essais sur l’âge industriel, « Fin des idéologies, Renaissance des idées ? », pour ne jamais tout à fait prendre fin, avec des textes comme, en 1971, « Remarques sur le nouvel âge idéologique », ou, en 1977, « On the Proper use of Ideologies ». Ce débat l’opposera à de nombreux critiques, moins français qu’américains, à l’instar de Daniel Bell (« The End of Ideology », 1955-56), Georges Lichtheim (« The Cold War in Perspective », 1960), ou Henry David Aiken (« The Revolt against Ideology », 1964) ; mais aussi, plus indirectement, allemands, comme Herbert Marcuse (L’homme unidimensionnel. Études sur l’idéologie de la société industrielle, 1968 pour l’édition française). Seront discutés les Marx, marxismes et utilisation de la notion d’idéologie d’un philosophe, aussi sociologue, de la politique, pour ne pas écrire politique.

Bibliographie

Raymond Aron, « Fin de l’âge idéologique ? », in L’Opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955, pp. 315-334.
-, « Fin des idéologies, Renaissance des idées », in Trois essais sur l’âge industriel, Paris, Plon, coll. « Preuves », 1966, pp. 123-239 (surtout le « Chapitre II. Idéologies mortes, idées vivantes », pp. 188-239).
-, « Remarques sur le nouvel âge idéologique », in Theorie und Politik Festschrift zum 70. Geburstag für Carl Joachim Friedrich, herausgegeben von Klaus von Bemme, La Haye, M. Nijhoff, XI-662, 24 cm., p. 226-241, 1971 (reproduit in Contrepoint, n° 9, 1973, pp. 13-26).
-, « On the Proper Use of Ideologies », in Culture and its Creators. Essays in honor of Edward Shils (éd. Jospeh Ben David et Terry Nichols Clark), Chicago, The University of Chicago Press, 1977, pp. 1-14 (« Du bon usage des idéologies (inédit) », in Commentaire, n° 48, hiver 1989/1990, pp. 691-698).

2/13 Hannah Arendt

L’œuvre de Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, paraît d’abord aux États-Unis en 1951. Divisée en trois blocs, « l’antisémitisme », « l’impérialisme » et, surtout, « le totalitarisme », celle-ci commencera à y travailler la notion d’idéologie. C’est cependant avec « Idéologie et terreur : une nouvelle forme de gouvernement », un texte issu de ses recherches sur Karl Marx, rédigé pour des mélanges en l’honneur de Karl Jaspers, parus en avril 1953, très remanié pour une publication dans la Review of Politics en juillet 1953, qui deviendra le dernier chapitre de l’édition allemande de 1955, puis de la deuxième édition américaine, de 1958 des Origines que Hannah Arendt va remarquablement conceptualiser la notion d’idéologie. Il s’agira de revenir sur les étapes de cette conceptualisation par Hannah Arendt, sur le texte d’ « Idéologie et terreur », mais aussi sur la critique par Raymond Aron de ce texte en 1954 (en nous arrêtant sur d’autres approches de l’idéologie par Arendt : notamment celles qui concernent la notion de « religions séculières », par des débats avec Raymond Aron, Eric Voegelin, Hans Kelsen, mais aussi Jules Monnerot).

Bibliographie

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme et Eichmann à Jérusalem, édition établie par Pierre Bouretz, Paris, Gallimard, Quarto, 2002 (notamment « L’Impérialisme », pp. 416-419 ; « Le Totalitarisme », pp. 809-811 ; « Idéologie et terreur : une forme nouvelle de gouvernement », pp. 813-838).

Raymond Aron, « L’essence du totalitarisme. À propos de Hannah Arendt » (1954), in Commentaire, 2005/4, n° 112.

3/13 Louis Althusser

Louis Althusser, après Raymond Aron, mais indépendamment de Aron, utilisera, lui, la notion d’idéologie pour renforcer le marxisme et le communisme, français et international, à partir des années 1960. C’est surtout au théoricien de l’idéologie, ou à celui qui voulait l’être, que cette séance sera consacrée : le traducteur et le commentateur de Feuerbach, tout d’abord ; l’interprète, avec ses élèves, de Marx et de Engels ensuite, en tant que celui-ci va reformuler les rapports de l’idéologie à la science ; le théoricien de l’idéologie, en outre, dans tout ce que cette notion peut avoir de politique, avec le texte « Idéologie et appareils idéologiques d’État (Notes pour une recherche) » (1970). Un texte difficile parce que fragmentaire, parce qu’inachevé, parce qu’allusif, mais qui marquera durablement la critique de l’idéologie en philosophie politique, par son travail sur les notions de « production / reproduction », d’ « État », ou de « sujet ». Il s’agira de revenir sur Louis Althusser dans le marxisme et le communisme par ses essais de théorisation de la notion dans le courant des années 1960 et 1970 (en tenant compte de la publication de textes jusqu’à récemment inédits).

Bibliographie

Louis Althusser, Montesquieu. La politique et l’histoire, Paris, PUF, 1959.
-, Pour Marx, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte / Poche », 2005 (première publication : Paris, Maspero, coll. « Théorie », 1965).
– (en collaboration avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière), Lire le Capital, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1996 (première publication : Paris, Maspero, coll. « Théorie », 2 volumes, 1965) ; notamment « Du ‘Capital’ à la philosophie de Marx », pp. 1-79.
-, « Idéologie et appareils idéologiques d’État (Notes pour une recherche) », in La Pensée, n° 151, juin 1970 (repris dans Sur la reproduction, Paris, PUF, 1995, pp. 263-306).

4/13 Michel Foucault

Michel Foucault n’a cessé de se heurter à la notion d’idéologie. Foucault a d’abord été proche de Louis Althusser (séance 3/13), reprenant son approche épistémologique de l’idéologie dans ses premiers travaux, à l’instar des Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (1966), ou de L’archéologie du savoir (1969). Celui-ci se déprendra toutefois peu à peu de la notion, lorsqu’il s’engagera dans une critique du « savoir » et du « pouvoir », dans ses cours au Collège de France (« Théories et institutions pénales » en 1971-1972 ; « La société punitive » en 1972-1973), ses livres (Surveiller et punir. Naissance de la prison en 1975), et des entretiens de la première moitié des années 1970. Celui-ci n’arrivant jamais tout à fait à s’en déprendre : dans une proximité, une distance, une constance à l’égard de Louis Althusser. Il s’agira de revenir sur les premiers usages que celui-ci fera de la notion, sur les déplacements que celui-ci lui apportera, et sur les tentatives d’en dépasser des usages trop restrictifs.

Bibliographie

Michel Foucault, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 1966 (notamment « Chapitre VII : Les limites de la représentation », p. 329 ; « V. Idéologie et critique », p. 249-256).
-, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 1969 (notamment « IV La description archéologique », p. 175 ; « 5 Science et savoir. », p. 232 ; « c) Savoir et idéologie », pp. 240-243).
-, La société punitive (1972-1973), Paris, EHESS, Gallimard, Le Seuil, coll. « Hautes études », 2015 (cours du 28 mars 1973).
-, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.

5/13 Pierre Macherey

Pierre Macherey fait partie des élèves de l’École normale supérieure, avec Étienne Balibar (séance 8/13), Roger Establet et Jacques Rancière (séance 7/13), qui accompagneront Louis Althusser dans son travail de relecture du Capital de Marx. Macherey critiquera Marx, les marxismes, et notamment le marxisme althussérien, pour les aborder autrement, comme en témoignent ses nombreux textes depuis les années 1960 : ceux sur la littérature (Pour une théorie de la production littéraire, en 1966), la philosophie de Spinoza et de Hegel (Hegel ou Spinoza, en 1977 ; Hegel et la société, 1984), mais aussi, la critique des normes  (De Canguilhem à Foucault : la force des normes, 2009). C’est cette dernière approche que nous étudierons, par Le Sujet des normes, paru en 2014, dont le chapitre important consacré à la notion d’idéologie, « Homo ideologicus », part de la critique par Althusser et Foucault de la notion, pour la développer en “infra-idéologie”.

Bibliographie

Pierre Macherey, « Homo Ideologicus », in Le Sujet des normes, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, pp. 213-354.

6/13 Pierre Bourdieu

Pierre Bourdieu, comme Michel Foucault (séance 4/13), s’est heurté à la notion d’idéologie. Proche de Raymond Aron quand il commencera à travailler, après avoir été formé en philosophe, en sociologue, – notamment au Centre de sociologie européenne fondé par Aron en 1960 -, celui-ci s’intéressera néanmoins à l’idéologie par Louis Althusser, dont il sera proche durant ces mêmes années 1960 à l’École normale supérieure. L’œuvre de Bourdieu peut être lue comme un ensemble de réinterprétations de la notion d’idéologie à partir de Louis Althusser ; contre Althusser ; jamais sans celui-ci. Nous envisagerons cette proximité et cet éloignement par une critique de Jean-Claude Passeron et de Pierre Bourdieu de l’enseignement supérieur (non de l’enseignement secondaire) : La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, qui paraît dans l’après-mai 1968, et dans lequel la notion d’idéologie sert à dénoncer une reproduction universitaire, une reproduction sociale pensées dans les termes de la domination.

Bibliographie

Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, Les Héritiers. Les étudiants et la culture, Paris, Minuit, 1964.
-, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970.

Pierre Bourdieu, Le sens pratique, Paris Minuit, 1980.

7/13 Jacques Rancière

Jacques Rancière fait partie, avec Étienne Balibar (séance 8/13), Pierre Macherey (séance 5/13), et Roger Establet, de ceux qui ont contribué à la relecture althussérienne du Capital de Marx en 1965 (une époque durant laquelle Rancière est aussi impliqué dans les « Cahiers marxistes-léninistes de l’École normale supérieure », d’orientation maoïste, d’orientation althussérienne). Rancière, cependant, s’opposera rapidement, vivement, irréversiblement à Althusser avec, notamment, « Sur la théorie de l’idéologie : politique d’Althusser », texte publié en 1969 en Argentine dans Lecturas de Althusser. Proyecciones de un campo problemático, avant d’être repris en 1973 dans la revue L’Homme et la société, puis en 1974 en appendice du livre La leçon d’Althusser. Ce texte nous permettra de travailler la critique épistémologique, politique, pédagogique, dans le prolongement de la séance consacrée à Pierre Bourdieu (séance 6/13), que Rancière fait de Althusser.

Bibliographie

Cahiers marxistes-léninistes / Cercle des étudiants communistes de l’École normale supérieure n° 1, : « Science et idéologies » (auquel a participé Jacques Rancière), 1965.

Jacques Rancière, « Appendice. ‘Sur la théorie de l’idéologie : politique d’Althusser’ (1969) », in La leçon d’Althusser, Paris, La Fabrique, 2011 (première édition 1974), pp. 213-254.

8/13 Étienne Balibar (séance en présence de Étienne Balibar)

Étienne Balibar fait également partie avec Roger Establet, Pierre Macherey (séance 5/13) et Jacques Rancière (séance 7/13), des contributeurs à la relecture du Capital de Marx par Louis Althusser (séance 3/13). Balibar se revendiquera cependant toujours, ou presque, de ce dernier pour penser l’idéologie, notamment dans ses textes des années 1970 publiés dans la collection « Théorie » que dirigeait alors Althusser aux éditions François Maspero, Cinq études du matérialisme historique (1974), ou « État, parti, idéologie : Esquisse d’un problème », dans Marx et sa critique de la politique (1979). Ses textes suivants seront plus critiques d’Althusser, plus proches de Marx pour penser la notion, à l’instar de La philosophie de Marx (1993) et de La crainte des masses : politique et philosophie avant et après Marx (1997). D’autres textes, encore, chercheront à penser la notion d’idéologie après Marx, comme Race, Nation, Classe. Les identités ambigües (1988), ou encore Saeculum. Culture, religion et idéologie (2012). Autant d’approches qui ne laissent cependant pas entièrement de côté Althusser, le vocabulaire althussérien, les intentions althussériennes. Il s’agira de revenir sur les critiques par Balibar de la notion d’idéologie chez Marx, pour en revenir à Althusser.

Une présentation de son parcours par Étienne Balibar se trouve dans : « Étienne Balibar : La contradiction infinie », in Lignes, n°32, 1997/3, pp. 14-25.

9/13 Alain Badiou

Alain Badiou écrit dans l’introduction de L’aventure de la philosophie française paru en 2012 de son texte paru 1967, « Louis Althusser. Le (re)commencement du matérialisme historique », qu’Althusser est, « de tous les contemporains, celui avec lequel (il, Alain Badiou) a entretenu les rapports les plus complexes, voire les plus violents » (p. 111). Si Badiou a suivi de près, dès ses années d’études à l’École normale supérieure, les travaux de Louis Althusser, la relation entre les deux a été faite, pour reprendre une fois encore les mots de Badiou, d’ « intérêt », et de « suspicion ». Critique de l’approche politique de Louis Althusser, Badiou défendant une scission maoïste avec le Parti communiste français, Althusser défendant quant à lui une réforme de celui-ci, Badiou critiquera les travaux d’Althusser sur l’idéologie (notamment dans son opposition à la science, c’est-à-dire à ce que la science a de politique), ce que Badiou poursuivra au fil de ses nombreuses publications (dont De L’idéologie en 1976), construisant petit à petit une théorie politique inséparable jusqu’à aujourd’hui (De l’idéologie à l’idée, 2017), d’un engagement maoïste militant.

Bibliographie

Alain Badiou, « Louis Althusser. Le (re)commencement du matérialisme historique », in L’aventure de la philosophie française, Paris, La fabrique, 2012, pp. 111-142.
-, (en collaboration avec F. Balmès), De l’idéologie, Paris, Maspero, 1976.

10/13 et 11/13 (9h-13h30) Exposés

12/13 Karl Mannheim

Idéologie et utopie de Karl Mannheim est publié en allemand en 1929. Traduit en français aux éditions Marcel Rivière en 1956, le texte souffrira de nombreux défauts de traduction, mais aussi d’être privé de près de la moitié de l’édition originale. Il faudra attendre une nouvelle traduction aux éditions de la Maison des Sciences de l’Homme en 2006 pour rendre accessible cet ensemble de textes fondateurs de la « sociologie de la connaissance ». Connu pour le texte donnant son titre au recueil, « Idéologie et utopie », qui articule les deux notions de manière originalement marxiste, nous nous arrêterons sur une lecture française, sans doute la plus connue – même si celle-ci est loin d’être la seule -, de Paul Ricœur, donnée lors de conférences à l’université de Chicago en 1975, et publiées sous le titre Lectures on Ideology and Utopia en 1986 (la traduction française, L’idéologie et l’utopie, date de 1997).

Bibliographie

Karl Mannheim, Idéologie et utopie, Paris Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 2006.

Paul Ricœur, L’Idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997.

13/13 Fins des idéologies ?

Le débat formulé par Raymond Aron de la fin de l’idéologie / des idéologies nous avait servi de point de départ. Deux textes nous permettront de critiquer une telle fin : un texte de Raymond Aron sur les intellectuels, que commente Étienne Balibar pour penser les idéologues, dont ferait partie Aron. Critiques des intellectuels et des idéologues qui nous feront envisager ce qu’aurait d’une idéologie le débat sur la fin des idéologies – dans sa manière de tracer une démarcation politique, à défaut d’être économique, entre science et politique.

Étienne Balibar, « Intellectuels, idéologues, idéologie. Quelques réflexions », in Raison présente, n° 73, 1er trimestre 1985, pp. 23-38.

Raymond Aron, « Les intellectuels et la politique », in Commentaire, 1983/4, n° 22, pp. 259-263.