Syllabus

Séminaire EHESS 2023-2024

(page mise à jour le 12 novembre 2023)

La notion d’idéologie
dans la philosophie politique française
après 1945

Bernard E. Harcourt (Columbia University/EHESS)

et Guillaume Rouleau (EHESS)

Ce séminaire portera sur les utilisations de la notion d’idéologie en philosophie politique après 1945. Si cette notion est apparue en France à la fin du XIXe siècle, et n’en disparaîtra jamais vraiment, ce n’est qu’au milieu du XXe siècle qu’elle y réapparaîtra avec insistance, c’est-à-dire recommencera à y être utilisée dans de nombreuses disciplines. Parmi celles-ci, la philosophie, et notamment la philosophie qui s’intéresse au politique en fera un usage central (à l’instar de partis ou groupes marxistes, ou organisations qui leurs seront opposées). Il s’agira de revenir sur les raisons de ces usages, sur leurs fonctions, mais aussi sur les nouvelles significations qu’ils ont apporté à la notion.

Le séminaire consistera en 13 séances de 2 heures se tenant d’octobre 2023 à mai 2024, dont chacune s’attachera à revenir, plus ou moins chronologiquement, plus ou moins géographiquement sur les approches critiques de la notion par un auteur. Guillaume Rouleau, doctorant à l’EHESS, présentera durant une heure un penseur critique de l’idéologie, présentation qui sera suivie d’une discussion d’une trentaine de minutes avec Bernard E. Harcourt (en présence ou à distance, selon les séances), étendue à l’ensemble des participant.e.s de ce séminaire, ni leçon, ni cours magistral, mais échange, pour critiquer ensemble cette notion encore si utilisée, mais trop peu critiquée.

Validation du séminaire

Vous inscrire en ligne au séminaire est obligatoire pour pouvoir y participer : https://enseignements.ehess.fr/2023-2024/ue/821

Le séminaire peut être validé : 24h = 6 ECTS.

La validation peut se faire par un exposé de 15 minutes (la séance 12/13 du 27 mai 2024 sera une séance d’exposés) ou un travail écrit de 10 à 15 pages (la date de rendu dépend de votre formation). Une double validation est envisageable (6 x 2 ECTS ; 1 validation par semestre par exemple ; ou une double validation sur 1 semestre), si la validation est elle aussi double. Le sujet sera à discuter préalablement avec les organisateurs du séminaire.

Il sera demandé pour chaque séance de si ce n’est lire, du moins de parcourir attentivement les lectures (chapitres de livres, articles), de la bibliographie principale, et si possible secondaire, non seulement pour se confronter directement aux textes, mais pour pouvoir aussi intervenir au mieux lors du séminaire. Les textes seront disponibles d’une séance à l’autre via le lien suivant :

La présence au séminaire est, sauf exception, obligatoire en présence ; le séminaire ne se tenant pas à distance (sauf pour Bernard E. Harcourt, parfois retenu à New York). Pour celles et ceux qui ne pourraient pas assister à une ou plusieurs séances, merci d’en avertir les organisateurs du séminaire le plus tôt possible (au plus tard le matin du jour du séminaire). Un nombre trop important d’absences injustifiées vous empêchera de valider le séminaire.

L’ordinateur portable est uniquement autorisé s’il sert le séminaire : prendre et lire des notes, consulter les textes des séances, pour faire des recherches liées au séminaire. Toute utilisation de l’ordinateur portable qui sortirait du cadre du séminaire est interdite, parce qu’elle peut très distractive pour les autres participant.e.s.

Pour toute question, merci de contacter Guillaume Rouleau : guillaume.rouleau@ehess.fr

Lieux, dates et horaires

Campus Condorcet
Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
Salle 3.09
Annuel / mensuel, lundi 16h30-18h30
Du 16 octobre 2023 au 17 juin 2024

Lundi 16 octobre 2023 1/13 Raymond Aron
Lundi 20 novembre 2023 2/13 Hannah Arendt
Lundi 18 décembre 2023 3/13 Louis Althusser
Lundi 15 janvier 2024 (de 16 h 30 à 20 h 30) 4/13 Michel Foucault 5/13 Pierre Macherey
Lundi 4 mars 2024 (de 16 h 30 à 20 h 30) 6/13 Pierre Bourdieu 7/13 Jacques Rancière
Lundi 18 mars 2024 – NOUVELLE DATE : Lundi 11 mars 2024 8/13 Étienne Balibar
Lundi 22 avril 2024 9/13 Alain Badiou
Lundi 27 mai 2024 (de 10 h à 18 h), salle 3.10, 10/13 Socialisme ou Barbarie / Claude Lefort / Cornelius Castoriadis 11/13 Karl Mannheim (Raymond Aron / Joseph Gabel / Paul Ricœur / Pierre Macherey) 12/13 Exposés
Lundi 17 juin 2024 13/13 Poursuite du débat sur la fin des idéologies + Retours sur Georges Canguilhem

Bibliographie pour anticiper et accompagner le séminaire

Ludwig Feuerbach, L’Essence du christianisme, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1992 (première publication allemande : 1841 ; première publication française : 1864).

Max Stirner, « L’Unique et sa propriété », in L’Unique et sa propriété et autres écrits, Lausanne, Éditions l’Âge d’Homme, 1972 (première publication allemande : 1844).

Karl Marx, 1845 : les « thèses » sur Feuerbach, traduction et commentaire de Pierre Macherey, Paris, Éditions Amsterdam, 2008 (rédigées en 1845 ; non publiée du vivant de Marx).
-, La Sainte Famille ou Critique de la critique critique. Contre Bruno Bauer et consorts, Paris, Éditions sociales, 2019 (première publication allemande : 1845).
-, « Le caractère fétiche de la marchandise et son secret », in Le Capital (il s’agit de la conclusion du chapitre I ; première publication allemande du premier tome du Capital : 1867).

Friedrich Engels et Karl Marx, L’Idéologie allemande. Critique de la philosophie allemande la plus récente dans la personne de ses représentants Feuerbach, B. Bauer et Stirner, et du socialisme allemand dans celle de ses différents prophètes, Paris, Éditions sociales, 2012 (surtout la première partie consacrée à Feuerbach ; rédigée en 1845-46 ; non-publiée du vivant des auteurs ; première publication allemande : 1932).

Friedrich Engels, Karl Marx et Josef Vandemeyer (ce dernier étant uniquement crédité dans cette nouvelle édition), L’Idéologie allemande : premier et deuxième chapitres : édition bilingue, Paris, Éditions sociales, 2014 (traduction moins accessible que la précédente, mais plus précise).

Karl Marx, Contribution à la critique de l’économie politique. Précédée de l’Introduction de 1857, Paris, Éditions sociales, 2014 (première publication allemande : 1859).

Friedrich Engels, Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, Paris, Éditions sociales, 1980 (première publication allemande : 1890).

Détail des séances

1/13 Raymond Aron

Cette séance introductive sera consacrée à Raymond Aron, en tant que critique de Karl Marx et Friedrich Engels, opposant à certains marxismes et, surtout, remettant la notion d’idéologie au cœur des débats en politique et en philosophie politique : ce qu’illustrera le débat reformulé par celui-ci en 1955 avec le dernier chapitre de L’Opium des intellectuels, « Fin de l’âge idéologique ? », poursuivi par lui en 1966 dans le dernier chapitre de Trois essais sur l’âge industriel, « Fin des idéologies, Renaissance des idées ? », pour ne jamais tout à fait prendre fin, avec des textes comme, en 1971, « Remarques sur le nouvel âge idéologique », ou, en 1977, « On the Proper use of Ideologies ». Ce débat l’opposera à de nombreux critiques américains, à l’instar de Daniel Bell (« The End of Ideology », 1955-56), Georges Lichtheim (« The Cold War in Perspective », 1960), ou Henry David Aiken (« The Revolt against Ideology », 1964) ; mais aussi allemands, comme Herbert Marcuse (L’homme unidimensionnel. Etudes sur l’idéologie de la société industrielle, 1968 pour l’édition française). Seront ici discutés les Marx, marxismes et critiques d’un philosophe, aussi sociologue, du politique.

Bibliographie primaire

Raymond Aron, « L’idéologie », in Recherches Philosophiques, VI, pp. 65-84, 1937 (texte repris, avec une note, in Revue Européenne des Sciences Sociales et Cahiers Vilfredo Pareto, XVI, 43, 1978, pp. 35-50).
-, « Fin de l’âge idéologique ? », in L’Opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955, pp. 315-334.
-, « Fin des idéologies, Renaissance des idées », in Trois essais sur l’âge industriel, Paris, Plon, coll. « Preuves », 1966, pp. 123-239 (surtout le « Chapitre II. Idéologies mortes, idées vivantes », pp. 188-239).
– Raymond Aron, « Remarques sur le nouvel âge idéologique », in Theory and Politics, Theorie und Politik Festschrift zum 70. Geburstag für Carl Joachim Friedrich, herausgegeben von Klaus von Bemme, La Haye, M. Nijhoff, XI-662, 24 cm., p. 226-241, 1971 (reproduit in Contrepoint, n° 9, 1973, pp. 13-26).
-, « On the Proper Use of Ideologies », in Culture and its Creators. Essays in honor of Edward Shils (éd. Jospeh Ben David et Terry Nichols Clark), Chicago, The University of Chicago Press, 1977, pp. 1-14 (« Du bon usage des idéologies (inédit) », in Commentaire, n° 48, hiver 1989/1990, pp. 691-698).

Bibliographie secondaire

Camus, Albert, « Ni victimes ni bourreaux », in Combat, Novembre 1948.
Edward Shils, « The End of Ideology? », Encounter, vol. 5, nov. 1955.
-, Ideology and Civility: on the Politics of the Intellectual », in The University of the South 1858-1958: The Centennial Symposia, vol. 66, n° 3, été 1958.
Henri Lefebvre, La somme et le reste, La nef de Paris éditions, 1959 (notamment « Chapitre XIII. Sur la fin des idéologies », pp. 741-746).
Daniel Bell, The End of Ideology: On the Exhaustion of Political Ideas in the Fifties, New York, Free Press, 1960 (traduit en français et remanié pour l’occasion : La fin de l’idéologie, Paris, PUF, 1997).
Seymour Martin Lipset, Political Man. The Social Bases of Politics, New York, Doubleday, 1960.
-, « Some Further Comments on « The End of Ideology » », in American Political Science Review, vol. 60, n° 1, mars 1966 (pp. 17-18).
Henry David Haiken, « The Revolt against Ideology », in Commentary, avril 1964.
George Lichtheim, « The Cold War in Perspective », in Commentary, juin 1964.
Iain Stewart, Raymond Aron and Liberal Thought in the Twentieth Century, Paris, Cambridge University Press, Octobre 2019 (notamment : « Chapter 4 – The End of Ideology », pp. 120-162).
Herbert Marcuse, L’homme unidimensionnel. Essai sur l’idéologie de la société industrielle avancée, Paris, Minuit, 1968.
Jürgen Habermas, La technique et la science comme « Idéologie », traduit de l’allemand et préfacé par Jean-René Ladmiral, Paris, Gallimard, 1973.
Chaim Waxman, The End of Ideology Debate, Funk & Wagnalls, 1968.

2/13 Hannah Arendt

L’œuvre d’Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, paraît d’abord aux États-Unis en 1951. Divisée en trois blocs, « l’antisémitisme », « l’impérialisme » et, surtout, « le totalitarisme » (qui est l’occasion pour Hannah Arendt d’apporter une pierre de taille à l’édifice conceptuel du « totalitarisme »), celle-ci commence à y travailler la notion d’idéologie. C’est cependant avec un texte issu de ses recherches sur Karl Marx et écrit pour des mélanges en l’honneur de Karl Jaspers (avril 1953), très remanié pour une publication dans la Review of Politics (juillet 1953), qui deviendra le dernier chapitre de l’édition allemande de 1955, puis de la deuxième édition américaine de 1958 des Origines, que Hannah Arendt va contribuer à la conceptualisation de la notion d’idéologie : « Idéologie et terreur : une nouvelle forme de gouvernement ». Il s’agira de revenir sur les étapes de cette conceptualisation par Hannah Arendt, sur ce texte remarquable qu’est « Idéologie et terreur », mais aussi sur différentes réceptions françaises et internationales de ses textes (notamment celles qui concernent la notion de « religions séculières », par des débats avec Raymond Aron, Eric Voegelin et Hans Kelsen, mais aussi Jules Monnerot).

Bibliographie primaire

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme et Eichmann à Jérusalem, édition établie par Pierre Bouretz, Paris, Gallimard, Quarto, 2002 (notamment « L’Impérialisme », pp. 416-419 ; « Le Totalitarisme », pp. 809-811 ; « Idéologie et terreur : une forme nouvelle de régime », pp. 813-838).
-, Idéologie et terreur, introduction et notes par Pierre Bouretz, traduit de l’anglais par Marc de Launay, Paris, Hermann, 2008.
-, La nature du totalitarisme, traduit de l’anglais et préfacé par Michelle-Irène Buhot de Launay, Paris, Payot, 1990 (nouvelle édition 2018).
-, Karl Marx, traduit de l’anglais par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2021 (« Karl Marx and the Tradition of Western Political Thought », paru dans Social Research, « The Origins of Totalitarianism »: Fifty Years Later », vol. 69, n° 2, été 2002, pp. 273-319).
Raymond Aron, « L’essence du totalitarisme. À propos de Hannah Arendt » (1954), in Commentaire, 2005/4, n° 112.

Bibliographie secondaire

Martin Heidegger, Qu’appelle-t-on penser ?, Paris, PUF, 1992.
Pierre Bouretz, Qu’appelle-t-on philosopher ?, Gallimard, coll. « nrf essais », 2006.
Nestor Capdevila, « Idéologie et totalitarisme », in Le concept d’idéologie, coll. « pratiques théoriques », Paris, PUF, 2004, pp. 154-190.
Raymond Aron, « Idéologie et terreur », in Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965, pp. 265-284.

Raymond Aron, « L’avenir des religions séculières », in La France libre, 1944.
-, « Les intellectuels en quête d’une religion », L’Opium des intellectuels, Paris, Calmann-Lévy, 1955.
Eric Voegelin, Les Religions politiques, Paris, Cerf, 1994, pp. 274-304.
-, La Nouvelle Science du politique, Paris, Seuil, 2000.
Hans Kelsen, Religion séculière. Une polémique contre la mésinterprétation de la philosophie sociale, de la science et de la politique moderne en tant que « nouvelles religions » (1964), Paris, Kimé, 2022.
Jules Monnerot // « Le communisme peut-il être pensé dans le registre de la religion ? », in Revue du MAUSS, 2003/2, n° 22, pp. 44-50.

3/13 Louis Althusser

Louis Althusser joue un rôle central dans la pièce philosophique et politique où a été rejouée la notion d’idéologie. C’est surtout au théoricien de l’idéologie, ou à celui qui voulait l’être, que cette séance sera consacrée : le traducteur et le commentateur de Feuerbach, tout d’abord, ce dernier étant décisif dans l’approche de l’idéologie par Marx et Engels ; l’interprète, avec ses élèves, de Marx et Engels ensuite, qui va engager de nouvelles approches de l’idéologie ; le théoricien de l’idéologie, dans tout ce que cette notion peut avoir de politique (il faudrait sans doute écrire de théâtralement politique), enfin, avec le texte « Idéologie et appareils idéologiques d’État (notes pour une recherche) » (1970). Un texte difficile parce que fragmentaire, parce qu’inachevé, parce qu’allusif, mais qui marquera durablement la critique de l’idéologie en philosophie politique (chez des auteurs aux approches aussi différentes que Nicos Poulantzas, Michel Foucault, ou encore Étienne Balibar), par son travail sur les notions d’ « État », de « production », ou de « sujet ». Il s’agira de revenir sur ce rôle, ou plutôt ces rôles de Louis Althusser sur la scène du parti communiste français, sur ses premières tentatives pour scénariser l’idéologie, et sur ses essais remarqués de théorisation, d’une mise en scène théorique de celle-ci dans le courant des années 1960 et 1970 (en tenant compte des publications de textes jusqu’à récemment inédits).

Bibliographie primaire

Ludwig Feuerbach, Manifestes philosophiques. Textes choisis (1839-1945), Traduit de l’allemand par Louis Althusser, Paris, PUF, 1960 (notamment « Note du traducteur », pp. 1-8).
-, Pour Marx, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte / Poche », 2005 (première publication : Paris, Maspero, coll. « Théorie », 1965).
– (en collaboration avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière), Lire le Capital, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1996 (première publication : Paris, Maspero, coll. « Théorie », 2 volumes, 1965) ; notamment « Du ‘Capital’ à la philosophie de Marx », pp. 1-79.
-, Lénine et la philosophie, Paris, Maspero, 1969 (édition augmentée sous le titre Lénine et la philosophie (suivi de Marx et Lénine devant Hegel), Paris, Petite collection Maspero, 1972).
-, « Idéologie et appareils idéologiques d’État (notes pour une recherche) », in La Pensée, n° 151, juin 1970 (repris dans Sur la reproduction, Paris, PUF, 1995, pp. 263-306).

Bibliographie secondaire (Althusser)

Louis Althusser, Montesquieu. La politique et l’histoire, Paris, PUF, 1959.
-, Réponse à John Lewis, Paris, Maspero, coll. « Théorie », 1973.
-, Ce qui ne peut plus durer dans le parti communiste, Paris, La Découverte, 1978.
-, Solitude de Machiavel, Paris, PUF, 1998.
-, Initiation à la philosophie pour les non-philosophes, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2014 (notamment « Philosophie et religion », pp. 95-96 ; « La pratique scientifique et l’idéalisme », pp. 187-200 ; « la pratique scientifique et le matérialisme », pp. 201-220 ; « Les Appareils idéologiques d’État », pp. 233-262 ; « La pratique politique », pp. 263-285, « La pratique philosophique », pp. 315-328 ; « Idéologie dominante et philosophie », pp. 329-337 ; « Le laboratoire théorique de la philosophique », pp. 355-359 ; « Idéologie et philosophie », pp. 355-359 ; « Philosophie science et classe », pp. 361-372 ; « Une nouvelle pratique de la philosophie », pp. 373-376).
-, Être marxiste en philosophie, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2015 (notamment « 21 », pp. 275-284, et « 22 », pp. 285-292).
-, Les vaches noires. Interview imaginaire, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2016.
-, Écrits sur l’histoire, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2018.
-, Que faire ?, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2018.
-, Socialisme idéologique et socialisme scientifique et autres écrits, Paris, PUF, coll. « Perspectives critiques », 2022.

Bibliographie secondaire (autres auteurs)

Raymond Aron, Marxismes imaginaires. D’une sainte famille à l’autre, Paris, Gallimard, 1970 (notamment : « Althusser, ou la lecture pseudo-structuraliste de Marx », pp. 193-354).
Étienne Balibar, Cinq études du matérialisme historique, Paris, Maspero, coll. « Théorie », 1974.
-, « État, parti, idéologie : esquisse d’un problème », in Marx et sa critique de la politique, Paris, Maspero, 1979, pp. 107-167.
-, Écrits pour Althusser, Paris, La Découverte, 1991.
-, « Althusser et ‘le communisme’ », in La Pensée, 2015/2, n° 382, pp. 9-20.
-, « Althusser’s Dramaturgy and the Critique of Ideology », differences: A Journal of Feminist Cultural Studies, vol. 26, n° 3, 2015.
Étienne Balibar, Yves Duroux, Fabio Bruschi et Eva Mancuso, « Althusser : une nouvelle pratique de la philosophie entre politique et idéologie. Conversation avec Étienne Balibar et Yves Duroux (Partie I) », Cahiers du GRM (en ligne), n° 7, 2015.
-, Étienne Balibar, Yves Duroux, Fabio Bruschi et Eva Mancuso, « Althusser : une nouvelle pratique de la philosophie entre politique et idéologie. Conversation avec Étienne Balibar et Yves Duroux (Partie II) », Cahiers du GRM (en ligne), n° 8, 2015.
Bruno Karsenti, « Althusser pour l’avenir : le programme inachevé d’une science sociale marxiste », in La Pensée, vol. 3, n° 407, 2021.
Pierre Macherey, « Althusser : Lénine et la philosophie », in Histoires de dinosaure. Faire de la philosophie 1965-1997, Paris, PUF, 1999.
Pierre Raymond, Althusser philosophe, Paris, PUF, 1997 (notamment Jacques Bidet « La lecture du Capital par Louis Althusser », pp. 9-30 ; Pierre Raymond, « Le matérialisme d’Althusser », pp. 167-180).

4/13 Michel Foucault

Michel Foucault n’a cessé de se heurter à la notion d’idéologie. Foucault a d’abord été proche d’Althusser (séance 3/13), reprenant son approche de l’idéologie dans ses premiers travaux, à l’instar des Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (1966), ou de L’archéologie du savoir (1969). Celui-ci se déprendra toutefois peu à peu du « mot », sans toutefois en changer l’ « idée » (pour se servir du vocabulaire utilisé par Pierre Macherey), lorsqu’il s’engagera dans une critique du « pouvoir », c’est-à-dire dans ses cours au Collège de France et ses publications du début des années 1970, à l’instar de Surveiller et punir. Naissance de la prison (1975). Et il semblerait que celui-ci n’arrive pas tout à fait ensuite à s’en déprendre, que ce soient dans ses interventions médiatiques, cours au Collège de France, et ses textes sur L’Histoire de la sexualité. L’utilisation de la notion d’idéologie par Michel Foucault est, c’est peu de l’écrire, conflictuelle. Il s’agira de revenir sur les premiers usages que celui-ci fera de la notion, sur le déplacement sémantique qu’il effectuera, et sur les tentatives d’en dépasser des usages trop restrictifs.

Bibliographie primaire

Michel Foucault, Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 1966 (notamment « Chapitre VII : Les limites de la représentation », p. 329 ; « V. Idéologie et critique », p. 249-256).
-, L’Archéologie du savoir, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des Sciences humaines », 1969 (notamment « IV La description archéologique », p. 175 ; « 5 Science et savoir. », p. 232 ; « c) Savoir et idéologie », pp. 240-243).
-, Théories et institutions pénales (1971-1972), Paris, EHESS, Gallimard, Le Seuil, coll. « Hautes études », 2015 (cours du 8 mars 1972).
-, La société punitive (1972-1973), Paris, EHESS, Gallimard, Le Seuil, coll. « Hautes études », 2015 (cours du 28 mars 1973).
-, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975.
-, « Il faut défende la société » (1975-1976), Paris, Gallimard, 1997 (cours du 14 janvier 1976).
-, Sécurité, territoire, population (1977-1978), Paris, EHESS, Gallimard, Le Seuil, coll. « Hautes études », 2004 (cours du 1er mars 1978).

Bibliographie secondaire

Étienne Balibar, « Annexe I : Foucault et Marx (L’enjeu du nominalisme) », in La crainte des masses : politique et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1997.
-, « Un point d’adversité : l’Anti-Marx de Michel Foucault », in Passions du concept. Épistémologie, théologie, politique. Écrits II, Paris, La Découverte, pp. 167-188.
Christian Laval, Luca Paltrinieri, Ferhat Taylan (dir.), Marx & Foucault. Lectures, usages, confrontations, Paris, La Découverte, 2015 (notamment Jean-François Bert, « Cartographier les marxismes avec Foucault : les années 1950-1960 », pp. 103-112, et Julien Pallotta, « L’effet Althusser sur Foucault : de la société punitive à la théorie de la reproduction », pp. 129-142).
Michèle Barrett, The Politics of Truth. From Marx to Foucault, Cambridge, Polity Press, 1991.
Hilary Putnam, Reason, Truth and History, Cambridge, Cambridge University Press, 1981, accessible à l’adresse : https://archive.org/details/HilaryPutnam/page/n1/mode/2up
Mathieu Potte-Bonneville, « Chapitre II. Du sable à la bataille : Foucault avant 1968 », in Le Moment philosophique des années 1960, Paris, PUF, 2011, pp. 195-210.

5/13 Pierre Macherey

Pierre Macherey fait partie des élèves de l’École normale supérieure, avec Étienne Balibar (séance 8/13), Roger Establet et Jacques Rancière (séance 7/13), qui accompagneront Louis Althusser dans son travail de relecture du Capital de Marx. Macherey prendra ses distances avec Marx, les marxismes, et notamment celui d’Althusser, sans jamais vraiment couper avec eux, comme en témoigne ses nombreux textes depuis les années 1960, notamment ceux sur la littérature (Pour une théorie de la production littéraire ?, en 1966), la philosophie de Spinoza ou de Hegel (Hegel ou Spinoza, en 1977 ; Hegel et la société, 1984), mais aussi, la critique de l’épistémologie (De Canguilhem à Foucault : la force des normes, 2009). C’est cette dernière approche que nous étudierons lors de cette séance, Pierre Macherey ayant engagé une réinterprétation de l’idéologie au cours des années 2000, avec son groupe de philosophie « La Philosophie au sens large », dont le séminaire de l’année 2006-2007 était consacré à cette notion dans l’œuvre de Marx, Engels, et d’autres marxistes, et qui s’est poursuivie jusqu’à la publication de son texte Le Sujet des normes, paru en 2014, et dont le chapitre central, consacré à l’idéologie, « Homo ideologicus », part de la critique par Foucault de la notion d’idéologie, pour la développer.

Bibliographie primaire

Pierre Macherey, « Le sujet productif. De Foucault à Marx », in Le Sujet des normes, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, pp. 149-212.
Pierre Macherey, « Homo Ideologicus », in Le Sujet des normes, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, pp. 213-354.

Bibliographie secondaire

Pierre Macherey, « Marx et la réalisation de la philosophie », in Actuel Marx, 2005/1, n° 37, pp. 127-144.
Pierre Macherey, « Idéologie : le mot, l’idée, la chose », Groupe d’étude « La philosophie au sens large », Cours de l’année 2006-2007 (accessible en ligne, à l’adresse : https://philolarge.hypotheses.org/annee-2006-2007).

6/13 Pierre Bourdieu

Pierre Bourdieu, comme Michel Foucault (séance 4/13), s’est heurté à la notion d’idéologie. Il y a, pour Bourdieu, un moment de rupture avec Louis Althusser qui peut être repéré entre la première édition du Métier de sociologue (1968) et la « La lecture de Marx : quelques remarques critiques à propos de “Quelques remarques critiques à propos de Lire Le ‘Capital’” » (1975). À la rupture avec Althusser, suit une rupture de vocabulaire, avec Bourdieu, s’il utilise moins le mot, continuant d’utiliser l’idée, avec les notions de « champ », de « pouvoir symbolique », de « domination symbolique », ou de « violence symbolique », dans des textes comme L’ontologie politique de Martin Heidegger (1975) et « Sur le pouvoir symbolique » (1977). Un troisième moment montre que malgré la rupture avec Althusser, et un changement de vocabulaire, Bourdieu emploie toujours la notion d’idéologie, sur laquelle celui-ci revient dans les Méditations Pascaliennes (1997) ; une majorité de l’œuvre de Bourdieu pouvant être lue comme un travail de la notion d’idéologie dans le « champ » de la sociologie (jamais très loin de la philosophie) politique. Il s’agira de revenir sur la critique que Bourdieu a effectuée d’Althusser, puis sur celle effectuée sur son vocabulaire sociologique, pour questionner, derrière le changement des mots, le changement, éventuel, des objets.

Bibliographie primaire

– (avec Jean-Claude Passeron), « Sociologues des mythologies et mythologies de sociologues », in Les Temps modernes, n° 211, décembre 1963, pp. 998-1021.
Pierre Bourdieu, Le métier de sociologue : première édition de 1968 (avec un extrait de la préface rédigée par Louis Althusser de Lire Le Capital).
-, « La lecture de Marx : quelques remarques critiques à propos de “Quelques remarques critiques à propos de Lire Le‘Capital” », in Actes de la recherche en sciences sociales, n° 5-6, 1975, p. 65 79.
-, La reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris, Minuit, 1970.
– (avec Luc Boltanski), « La production de l’idéologie dominante », in Actes de la recherche en sciences sociales, juin, n° 2-3, 1976.
-, Esquisse d’une théorie de la pratique, Genève- Paris, Droz, 1972.
-, Le sens pratique, Paris Minuit, 1980.
-, L’ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Minuit, 1988 (article de 1975).
-, Langage et pouvoir symbolique, Paris, Seuil, 1991.
-, Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994.
-, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997.
-, Sur l’État. Cours au Collège de France, 1989-1992, Paris, Seuil, 2012.

Bibliographie secondaire

Boudon, Raymond, A quoi sert la notion de structure ? Essai sur la signification de la notion de structure dans les sciences humaines, Paris, Gallimard, 1968.
-, L’inégalité des chances. La mobilité sociale dans les sociétés industrielles, Paris, Armand Colin, 1973.
-, L’idéologie. Ou l’origine des idées reçues, Paris, Fayard, 1986.
-, L’art de se persuader, des idées douteuses, fragiles ou fausses, Paris, Fayard, 1990.
-, « Préface », in Daniel Bell, La fin de l’idéologie, traduit de l’américain par Emmanuel Baillon, Paris, PUF, 1997, pp. 5-20.
Lantoine, Jacques-Louis, « Bourdieu : la science des idéologies », Consecutio Rerum, V, n° 10, 2021.
Julien Pallotta, « Bourdieu face au marxisme althussérien : la question de l’État », in Actuel Marx, 2015/2, n° 58, pp. 130-143.
Julien Pallotta, « Le moment 1970 sur la production : Althusser et Bourdieu », in Actuel Marx, 2021/2, n° 70, pp. 96-110.
Waquant, Loïc, « De l’idéologie à la violence symbolique : culture, classe et conscience chez Marx et Bourdieu », in Jean Loijkine (dir.), Les sociologies critiques du capitalisme. En hommage à Pierre Bourdieu, Paris, PUF, 2002, pp. 25-40.

7/13 Jacques Rancière

Jacques Rancière fait, avec Étienne Balibar (séance 8/13), Pierre Macherey (séance 5/13), et Roger Establet, de ceux qui ont contribué à la relecture althussérienne du Capital de Marx en 1965 (une époque durant laquelle Rancière est aussi impliqué dans les « cahiers marxistes-léninistes de l’École normale supérieure », d’orientation maoïste). Rancière, cependant, s’opposera rapidement, vivement, irréversiblement à Althusser avec, notamment, un ensemble de textes réunis sous le titre La leçon d’Althusser (1974), et dans lesquels Althusser, de critique de l’idéologie, est fait idéologue. Cette critique de l’idéologue sera poursuivie par Rancière dans Le philosophe et ses pauvres (1983), avec pour cibles Platon, Marx, Sartre et Bourdieu, c’est-à-dire des philosophes, ou des sociologues, qui ont pu se proclamer philosophes rois. Ces critiques sont des critiques politiques, de la vie en commun, que Rancière poursuivra dans les textes qu’il lui consacrera, à l’instar de La mésentente (1995), mais aussi de Aux bords du politique (2004). C’est donc sur Rancière dénonçant Althusser en tant qu’idéologue, les philosophes et sociologues qui effectuerait un partage entre ceux qui détiendraient et ceux qui ne détiendraient pas la vérité, et sur la place de la vérité, de son énonciation surtout, en politique que ce séminaire portera.

Introduction

Cahiers marxistes-léninistes / Cercle des étudiants communistes de l’École normale supérieure n° 1, : « Science et idéologies » (auquel a participé Jacques Rancière), 1965.

Jacques Rancière, « Mode d’emploi pour une réédition de Lire le Capital », in Les Temps Modernes, 1973.

Les Révoltes logiques (revue française du Centre de recherche des idéologies de la révolte ; seize numéros publiés entre 1975 et 1981).

Bibliographie primaire

Jacques Rancière, La leçon d’Althusser, Paris, La Fabrique, 2011 (première édition 1974).
-, Le philosophe et ses pauvres, Paris, Flammarion, 2007 (première édition 1983).
-, La mésentente. Politique et philosophie, Paris, Galilée, 1995.
-, Aux bords du politique, Paris, Gallimard, 2004.

Bibliographie secondaire

Jean Borreil, Geneviève Fraisse, Jacques Rancière, « Le Centre de recherches sur les idéologies de la révolte », Définitions des objectifs et projets de recherches pour l’années 1975.
Aliocha Wald Lasowski, « Conversation avec Jacques Rancière. L’arme théorique d’un recommencement du marxisme », in Althusser et nous, Paris, PUF, coll. « Hors collection », 2016.
Jacques Rancière, « III – La scène du texte », in Sylvain Lazarus, Politique et philosophie dans l’œuvre de Louis Althusser, Paris, PUF, 1993, pp. 47-66.
-, « Jacques Rancière : ‘C’était un enchanteur’ », in Le Magazine Littéraire, n° 551, février 2015.

8/13 Étienne Balibar

Étienne Balibar fait également partie avec Roger Establet, Pierre Macherey (séance 5/13) et Jacques Rancière (séance 7/13), des contributeurs à la relecture du Capital de Marx par Althusser (séance 3/13). Balibar se revendiquera cependant toujours de ce dernier, pour penser l’idéologie, notamment ses textes des années 1970, publiés dans la collection « Théorie » que dirigeait alors Althusser aux éditions Maspero, Cinq études du matérialisme historique (1974) ou « État, parti, idéologie : Esquisse d’un problème », dans Marx et sa critique de la politique (1979). D’autres textes seront plus critiques d’Althusser, plus proches de Marx pour penser la notion, à l’instar de La philosophie de Marx (1993) et de La crainte des masses : politique et philosophie avant et après Marx (1997). D’autres textes, encore, chercheront à penser la notion d’idéologie après Marx, comme Race, Nation, Classe. Les identités ambigües (1988), ou encore Saeculum. Culture, religion et idéologie (2012). Autant d’approches qui ne laissent pas de côté Althusser, le vocabulaire althussérien, les intentions althussériennes. Il s’agira de revenir sur les critiques de Balibar de Marx à partir d’Althusser, puis d’Althusser à partir de Marx,  pour nous arrêter sur des “études de cas” (liés à des problèmes de classes, de race, de genre) pour lesquelles Balibar, suivant Marx, suivant Althusser, a pu utiliser la notion.

Une présentation de son parcours par Étienne Balibar se trouve dans : « Étienne Balibar : La contradiction infinie », in Lignes, n°32, 1997/3, pp. 14-25.

Parmi ses textes les plus importants sur l’idéologie, nous vous suggérons de lire :
– « Changer le monde : de la praxis à la production » (pp. 47-83) et « Idéologie ou fétichisme : le pouvoir et la sujétion » (pp. 84-134), in La philosophie de Marx, Paris, La Découverte, 1993.
– « Lieux et noms de la vérité » (pp. 55-98) et « Coupure et refonte. L’effet de vérité des sciences dans l’idéologie » (pp. 99-162) in Lieux et noms de la vérité, Paris, Éditions de l’Aube, 1994.
– « Réouverture. Le concept de concept : ‘un se divise en deux’ », in Passions du concept. Épistémologie, théologie, politique. Écrits II, Paris, La Découverte, 2022, pp. 243-263.



9/13 Alain Badiou

Alain Badiou écrit dans l’introduction de 2012 de son texte de 1967, « Louis Althusser. Le (re)commencement du matérialisme historique », qu’Althusser est, « de tous les contemporains, celui avec lequel (il, Alain Badiou) a entretenu les rapports les plus complexes, voire les plus violents » (p. 111). Si Badiou a suivi de très près, dès ses années d’études à l’École normale supérieure, les travaux de Louis Althusser, Althusser suivant les siens en ne se tenant plus loin, la relation entre les deux a été faite, pour reprendre une fois encore les mots de Badiou, d’ « intérêt », et de « suspicion ». Critique de l’approche politique de Louis Althusser, Badiou défendant une scission maoïste avec le Parti communiste français, Althusser défendant quant à lui une réforme de celui-ci, Badiou critiquera les travaux d’Althusser sur l’idéologie (notamment dans son opposition à la science, c’est-à-dire à ce que la science a de politique), ce que Badiou poursuivra au fil de ses nombreuses publications (dont De L’idéologie en 1976), construisant petit à petit une théorie politique (comme peut le montrer le texte Abrégé de métapolitique, de 1998 ; où est notamment discutée l’idéologique de la notion de « sujet » chez Althusser), inséparable jusqu’à aujourd’hui (De l’idéologie à l’idée, 2017), d’un engagement communiste militant.

Bibliographie primaire

Alain Badiou, « Louis Althusser. Le (re)commencement du matérialisme historique », in L’aventure de la philosophie française, Paris, La fabrique, 2012, pp. 111-142.
– (en collaboration avec F. Balmès), De l’idéologie, Paris, Maspero, 1976.
-, Théorie du sujet, Paris, Seuil, 1982.
-, Peut-on penser la politique ?, Paris, Seuil, 1985.
-, Abrégé de métapolitique, Paris, Seuil, 1998.
-, De l’idéologie à l’idée, Paris, Éditions Mimésis, 2017.

Bibliographie secondaire

Alain Badiou, Le Concept de modèle. Introduction à une épistémologie matérialiste des mathématiques, Paris, Maspéro, 1969 (texte de deux conférences données en avril 1968 à l’École normale supérieure ; réédition Paris, Fayard, 2007).
-, « Louis Althusser (1918-1990) », in Petit panthéon portatif, Paris, La fabrique, 2008, pp. 57-87.
Étienne Balibar, « Alain Badiou dans la philosophie française », in Passions du concept. Épistémologie, théologie, politique. Écrits II, Paris, La Découverte, pp. 58-83.
Aliocha Wald Lasowski, « Conversation avec Alain Badiou. Le lien singulier entre philosophie et stratégie politique » », in Althusser et nous, Paris, PUF, coll. « Hors collection », 2016.

10/13 Socialisme ou barbarie / Cornelius Castoriadis / Claude Lefort

Cette séance sera consacrée à l’organisation, qui a aussi été une revue active de 1949 à 1965, « Socialisme ou barbarie », et à ses suites. Créée dans la dissidence avec le parti communiste français, notamment en raison de la ligne pro-stalinienne de ce dernier, « socialisme ou barbarie » s’imposera discrètement dans sa critique de différents marxismes (stalinisme, trotskisme). Parmi ses nombreux membres, qui partiront ou reviendront au cours des années, deux retiendront tout particulièrement notre attention : Claude Lefort, qui a été formé auprès de Raymond Aron (sa thèse, sous la direction de ce dernier, soutenue en 1971, portait sur « Machiavel, le travail de l’œuvre), pour son texte « Esquisse d’une genèse de l’idéologie dans les sociétés modernes » (1974), et à son « frère ennemi » Cornelius Castoriadis, pour son texte L’institution imaginaire de la société (1975), où l’imaginaire peut être lu comme une alternative à l’idéologie.

Bibliographie primaire

Claude Lefort, « Esquisse d’une genèse de l’idéologie dans les sociétés modernes », in Textures, 8/9, pp. 3-54 (repris dans Les formes de l’histoire : essais d’anthropologie politique, Paris, Gallimard, 1978, pp. 478-569).
Claude Lefort, Le temps présent : écrits 1945-2005, Paris, Belin, 2007.
Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975.
-, La société bureaucratique. Écrits politiques, 1945-1997, Paris, éditions du Sandre, 2012-2020.
– (avec Paul Ricœur), Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, Paris, EHESS, 2016.

Bibliographie secondaire

Phillipe Gottraux, « Socialisme ou barbarie ». Un engagement politique et intellectuel dans la France de l’après-guerre, Payot-Lausanne, 1997.
Collectif, Socialisme ou barbarie : anthologie, Paris, La Bussière/Acratie, 2007.
Philippe Caumières et Arnaud Tomès, Cornelius Castoriadis : réinventer la politique après Marx, Paris, PUF, 2011.
Voir aussi, Analyse de l’idéologie, études publiées sous la direction de Gérard Duprat, tome 2 : thématiques, Paris, Galilée, 1983, pp. 228-234

11/13 Karl Mannheim

Idéologie et utopie de Karl Mannheim est publié en allemand en 1929. Traduit en français aux éditions Marcel Rivière en 1956, le texte souffrira de nombreux défauts de traduction, mais aussi d’être privé d’une grande partie de l’édition originale. Il faudra attendre une nouvelle traduction aux éditions de la Maison des Sciences de l’Homme en 2006 pour rendre accessible cet ensemble de textes fondateur de la « sociologie de la connaissance ». Connu pour le texte donnant son titre au recueil, « Idéologie et utopie », qui articule les deux notions de manière originale, le reste du recueil est cependant critique de la notion d’idéologie, dans tout ce qu’elle peut avoir de politique. Trois lectures françaises ont, depuis la parution du livre de Mannheim, souligné l’importance de celui-ci dans la pensée de la notion d’idéologie : la première de Raymond Aron, qui le commente sévèrement dès 1935 dans La sociologie allemande contemporaine  ; la deuxième, sans doute la plus connue, de Paul Ricœur, issue de conférences données à l’université de Chicago en 1975, et publiées sous le titre Lectures on Ideology and Utopia en 1986 (la traduction française, L’idéologie et l’utopie, date de 1997) ; la troisième de Pierre Macherey, est un cours en trois parties donné par celui-ci en 2007. C’est à ces trois relectures politiques de Mannheim que ce séminaire s’attachera.

Bibliographie primaire

Karl Mannheim, Le problème des générations, Paris, Nathan, 1990.
-, Idéologie et Utopie, Paris Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2006.
-, La pensée conservatrice, Paris, Éditions de la revue Conférence, 2009.
Raymond Aron, La sociologie allemande contemporaine, Paris, PUF, 1966 (première édition 1935), pp. 66-75.
Joseph Gabel, Idéologies, Paris, Anthropos, 1974.
Paul Ricœur, Démythisation et Idéologie, Paris, Aubier-Montaigne, 1973.
-, « Science et idéologie », in Revue Philosophique de Louvain, 1974.
-, « L’idéologie et l’utopie : deux expressions de l’imaginaire social », in Autres Temps, vol. 2, 1984, pp. 53-64.
-, L’Idéologie et l’utopie, Paris, Seuil, 1997.
-, Du texte à l’action, Essais d’herméneutique, II, Paris, Seuil, 1986.

Bibliographie secondaire

Michael Löwy et Nia Perivolaropoulo, « Notes sur la réception de Mannheim en France », in L’Homme & La Société, 2001/2-3, n° 140-141, pp. 103-111.
Pierre Macherey, « Karl Mannheim, Idéologie et utopie », Groupe d’études « La philosophie au sens large », Cours des 21 novembre, 28 novembre et 5 décembre 2007, accessibles à l’adresse : https://philolarge.hypotheses.org/annee-2007-2008

12/13 Exposés

13/13 Fins de l’idéologie ?

Le débat reformulé par Raymond Aron sur la « fin de l’âge idéologique » nous avait servi de point de départ. Il n’est cependant pas certain, comme nous allons le voir, qu’il y ait un point d’arrivée. Le débat sur la fin de l’idéologie ne semble en effet pas pouvoir prendre fin. Trois commentaires de celui-ci nous serviront à le prolonger : un texte de Étienne Balibar (« Conservatisme, libéralisme, socialisme », 1992) qui va de pair avec un autre de Immanuel Wallerstein (« Trois idéologies ou une seule ? La problématique de la modernité », 1992), reprend la question de l’idéologie dans les grandes familles politiques : un autre de Jacques Derrida, permet d’envisager la fin de l’idéologie à partir d’une lecture serrée de textes de Marx (Spectres de Marx, 1993), lecture derridienne qui sera commentée par un collectif d’auteurs ; un autre enfin de Pierre Macherey, reprenant de manière provocatrice la question de la fin de l’idéologie : « En finir avec l’idéologie ? » (2015). Ces textes nous permettront d’estimer l’héritage laissé par Raymond Aron dans la pensée de l’idéologie en France après 1945 dans ce qu’elle a de philosophique et, suivant ses usages, de politique, ou de politisée, sur une période où le socialisme, le communisme ne semblent s’être maintenus que comme idées.

1) Étienne Balibar, « Intellectuels, idéologues, idéologie. Quelques réflexions », in Raison présente, n° 73, 1er trimestre 1985, pp. 23-38.

Raymond Aron, « Les intellectuels et la politique », in Commentaire, 1983/4, n° 22, pp. 259-263.

Étienne Balibar, « Conservatisme, libéralisme, socialisme », in Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 9, 1992, pp. 2-6 ; Immanuel Wallerstein, « Trois idéologies ou une seule ? La problématique de la modernité », in Genèses. Sciences sociales et histoire, n° 9, 1992, pp. 7-24.

2) Jacques Derrida, Spectres de Marx. L’état de la dette, le travail du deuil et la nouvelle internationale, Paris, Galilée, 1993.
Michael Sprinker (éd.), Ghostly Demarcations. A Symposium on Jacques Derrida’s Specters of Marx, Londres, New York, Verso, 1999.
Jacques Derrida, Marx & Sons, Paris, Galilée, 2002.

Pierre Macherey, « Marx dématérialisé ou l’esprit de Derrida », Histoires de dinosaure. Faire de la philosophie 1965-1997, Paris, PUF, 1999.

3) Pierre Macherey, « En finir avec l’idéologie ? », Exposé présenté à l’université de Rennes le ler et le 6 février 2015, dans le cadre du colloque « Que reste-t-il de Marx ? » organisé par Catherine Colliot-Thélène et Katia Genel.
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Georges Canguilhem

Bibliographie primaire

Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, Paris, PUF, 2013 (1966 pour la première édition).
-, « Qu’est-ce qu’une idéologie scientifique ? », in Organon, Revue de l’Académie polonaise des Sciences (Histoire des Sciences), n° 7, Varsovie, 1970.
-, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie. Nouvelles études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1977 (dernière édition : 2009).
-, Le concept d’idéologie scientifique / entretien avec Georges Canguilhem, Propos recueillis par Gabriel Gohau, Paris, Éditions rationalistes, 1978.

Bibliographie secondaire

Georges Canguilhem, « De la science et de la contre-science », in Hommage à Jean Hyppolite (présenté par Michel Foucault), Paris, PUF, 1971.
-, « Le tout et la Partie dans la pensée biologique », in Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1994, pp. 319 et suiv.
Dominique Lecourt, « L’Histoire épistémologique de Georges Canguilhem », in Pour une critique de l’épistémologie (Bachelard, Canguilhem, Foucault), Paris, Maspero, 1972.
-, Georges Canguilhem, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2008.
Étienne Balibar, Lieux et noms de la vérité, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1994 (notamment « Être dans le vrai ? Science et vérité dans la philosophie de Georges Canguilhem », pp. 163-198).
Pierre Macherey, « La philosophie de la science de G. Canguilhem », in La Pensée, n° 113, janvier-février 1964.
-, « Canguilhem et le concept d’idéologie scientifique », Groupe d’études « La philosophie au sens large », Cours du 14 mai 2008.
Jean Gayon, Psychologie et idéologie : histoire d’une interférence, Paris, Vrin, 1989.